Il y a quelques semaines, je rendais visite à une personne âgée, atteinte de maladie d’Alzheimer.
Elle était très inquiète et agitée. Elle me disait que son amie lui avait confié quelque chose et qu’elle ne pouvait pas garder cela pour elle. Cependant, elle ne pouvait pas « lui dire », disait-elle.
Au début, je ne comprenais pas le sens de cette phrase, puis, les jours suivants, l’entendant me redire toujours la même reformulation, je compris qu’elle « ne pouvait pas dire à la personne concernée ce qu’elle avait « reçu » comme secret.
Je continuais donc de l’écouter, à chaque visite, me redire ce même « discours ». Je lui suggérais, après plusieurs rencontres, de me dire ce secret pour, peut être, la soulager. Cela ne lui semblait pas possible. Elle semblait, d’ailleurs, parler d’un secret dont elle avait oublié le contenu.
Cependant, c’était « comme un poids, là », me disait-elle, en me montrant sa poitrine.
Après un certain nombre de rencontre (6 ou 7), elle me dit : « mais oui, à vous je peux le dire, je vais vous le dire » et, comme si elle venait de découvrir que cela était possible, elle me redisait, toute joyeuse : « à vous je peux le dire ». Et elle s’arrêtait là. Elle ne me disait rien du secret.
Et pourtant, dans les jours qui ont suivi, elle n’en parla plus, était beaucoup plus calme. Je lui demandais, alors, comment c’était « au niveau de sa poitrine ». Elle ne semblait pas comprendre la question. Elle dit « ca va ».
Bien sûr, toutes ses sources d’angoisse n’étaient pas réglés. Elle eu d’autres comportements en lien avec sa maladie dans les temps qui suivirent.
Cependant, cette expérience m’a encore montré, comment « quelque chose » d’inquiétant, enfoui dans la mémoire, qui ressurgit, au cours de cette maladie « de la mémoire » peut être générateur de comportements de souffrance pour le malade. Par expérience, je suis convaincue que l’on peut soulager ces personnes par une écoute attentive et bienveillante.